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cheminées d’usine d’un noir d’encre. Des fumées bleuâtres traînaient entre le premier et le second plan, augmentant ainsi la perspective aérienne du tableau. On distinguait au flanc de la butte, d’un ton plus clair que le reste, la batterie de canons qui doit déjouer tout l’acier fondu de Krupp, les deux moulins, seuls survivants de cette bande ailée et gesticulante que Don Quichotte de la Manche eût attaquée, la tour de Solférino avec ses signaux et quelques maisons dont les lignes sévères ne dérangaient pas le contour général. Toute la butte était de ce ton que les peintres d’aquarelle appellent « teinte neutre » dont la gamme va du noir bleu au gris violâtre.

Des bancs de nuages effondrés, croulants, semblables aux décombres d’une ville cyclopéenne en ruines, laissaient filtrer entre leurs blocs disjoints des jets de lumière livide qu’avivait parfois le souffle de la tempête. C’était beau et grandiose comme les gravures bibliques de Ninive ou de Babylone de l’Anglais Martynn.

Les rues en contre-bas sont occupées par des usines, des fabriques, des docks avec leurs grands murs de briques et leur poulie à la fenêtre du grenier, indice d’une grande activité industrielle