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rentraient des maraudeurs, – peut-être de pauvres gens allant au péril de leur vie arracher sous les balles des Prussiens les restes de leur récolte, – chargés de sacs de pommes de terre, de choux et autres légumes, de bouts de planches, d’échalas, de petits fagots ; tristes épaves ; misérable butin ! Il y avait là des vieillards, de vieilles femmes, quelques jeunes filles, des enfants dont l’accoutrement dépenaillé eût tenté la pointe de Callot, et dont on retrouverait l’équivalent et le modèle dans les Malheurs de la guerre du spirituel aqua-fortiste.

Des postes de gardes nationaux veillaient à la sûreté du rempart, ne laissaient approcher personne et exécutaient la consigne dans toute sa prudente rigueur. Les sentinelles se promenaient le fusil à l’épaule sur la banquette ou restaient immobiles comme des statues, sondant du regard quelque point de l’horizon. Au bas du talus, des pelotons faisaient l’exercice et s’accoutumaient au maniement du chassepot ou du fusil à tabatière. D’autres jouaient au bouchon, un jeu fort à la mode en cet état de siége, et qui sert à distraire innocemment les longues heures de garde. La tenue de ces soldats improvisés était