Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette France qui le voudrait répudier aujourd’hui. Ce corrompu a été grand, simple, courageux, sublime cinq mois de suite. Il a montré des vertus qu’on n’attendait pas de lui : la constance inébranlable, la résignation obstinée, la patience à supporter les souffrances obscures, le froid, la faim, la maladie, les longues stations sous le vent, la pluie et la neige, les pieds dans la boue glaciale, à la porte des boulangeries de sciure de bois et des boucheries de charogne. Enfermé dans sa tour, comme Ugolin, il ne voulait pas se rendre et prétendait qu’il avait bien dîné. Cet épicurien s’accommodait de pâtés de rats et disait qu’il n’avait jamais rien mangé de plus délicieux ; il riait des obus hégéliens de la Prusse, quoique lancés au vrai moment psychologique, et s’endormait sans s’inquiéter du projectile qui, tombant sur son lit par une brèche du toit, pouvait le faire passer du sommeil à la mort. Le cœur de la France battait dans la maigre poitrine de Paris affamé. C’est le sceptique qui a eu le plus de foi : il attendait avec une confiance robuste, aux dépens de sa propre vie, un miracle que la province n’a pas fait.

Mais, dit-on, Paris a la mauvaise habitude de