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autel du beau, et la rendre à l’amour des artistes et des poëtes malheureux de son absence, lorsque survint la Commune avec sa nuée de barbares, non pas descendus des brouillards cimmériens, mais surgis d’entre les pavés de Paris comme une impure fermentation des fanges souterraines. On connaît l’esthétique de ces farouches sectaires et leur mépris de l’idéal. Avec eux la déesse, s’ils l’eussent découverte, courait de grands risques ; ils l’auraient vendue ou brisée comme un témoignage du génie humain offensant pour la stupidité égalitaire. L’aristocratie du chef-d’œuvre n’est-elle pas celle qui choque le plus l’envieuse médiocrité ? Naturellement, le laid a l’horreur du beau.

Heureusement le secret de la translation avait été bien gardé. La Vénus, pendant le second siége comme pendant le premier, dormit tranquille au fond de sa cachette ; mais vint le jour terrible où la Commune, « voulant se faire des funérailles dignes d’elle, » alluma, comme des trépieds sur le passage de sa pompe funèbre, les monuments de Paris inondés de pétrole.

Le feu fut mis à la préfecture de police, et ceux qui savaient où s’était abritée la déesse disparue