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on n’avait pu de même enlever et mettre en sûreté les antiques. Le poids de ces marbres, leurs dimensions, les soins qu’exigeait leur fragilité relative, le peu de temps qui restait pour les préparatifs empêchaient qu’on les fit partir à la suite des tableaux. On se contenta de blinder la salle qui les renfermait et d’en boucher les fenêtres avec des sacs de terre pour les mettre à l’abri des bombes et des projectiles.

Parmi ces statues il en est une que tous les musées d’Europe nous envient, et qui passe avec raison pour le type accompli du beau, pour la réalisation la plus parfaite de l’éternel féminin. Tout le monde a déjà nommé la Vénus de Milo. Que cette adorable déesse grecque pût devenir prussienne et s’en aller d’Athènes à Berlin, cela, malgré l’improbabilité d’un pareil malheur, inquiétait les amis de l’art et les gardiens de nos chefs-d’œuvre.

Ceux-ci songèrent donc à la sauver de tout danger. Ils firent enlever de dessus son piédestal la Vénus étonnée, et coucher le divin cadavre de marbre dans une boîte de chêne, en forme de cercueil, ouatée, capitonnée de façon à ce que nul contre-coup, nul froissement n’altérât les