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surmontée du portrait de Napoléon Ier, par Gérard, dont le cadre seul a résisté aux flammes et où s’enchâssait le médaillon en cristal de roche, représentant Napoléon III, chef-d’œuvre de Froment-Meurice. Au plafond de cette salle, tombé dans ce gouffre au milieu d’un lac flambant de pétrole, rayonnait l’apothéose du premier empereur, d’Ingres, une merveilleuse peinture, ou plutôt un gigantesque camée, supérieur en style, en perfection, en beauté à l’agate de la Sainte-Chapelle, ayant pour sujet Auguste reçu parmi les dieux. Désastre irréparable ! Un chef d’œuvre qui mettait l’art moderne en état de lutter contre l’art antique, et qui prouvait que, depuis Phidias et Apelles, le génie humain n’avait pas dégénéré, perdu à jamais, réduit en cendres, disparu sans retour ! Ils doivent être contents, les barbares féroces et stupides qui envoyaient Homère aux Quinze-Vingts et rêvaient la destruction de Raphaël ; les iconoclastes furieux, les ennemis acharnés du Beau, — cette aristocratie suprême ! les calibans monstrueux, fils du démon et de la sorcière Scyorax, toujours prêts à lécher les pieds de Trinculo pour un litre de bleu, êtres difformes pétris de boue et de sang, natures diaboliquement