Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette ville prétendue frivole a résisté à la famine, au bombardement, à l’incendie, à la guerre étrangère comme à la guerre civile. On la croyait morte à jamais, couchée à terre. La voilà déjà qui se relève à demi sur le coude, promène autour d’elle son regard raffermi et secoue son linceul de ruines.

En tournant l’angle du ministère des finances, à l’entrée de la rue Castiglione, nous éprouvions un sentiment de curiosité anxieuse, et cependant nous osions à peine regarder devant nous. Depuis si longtemps nous avions l’habitude de voir au sommet de sa colonne de bronze impérial Stylite, d’abord avec la redingote et le petit chapeau, et plus récemment drapé en César, une Victoire ailée sur la main comme un dieu antique ! Nous savions bien que les barbares de la Commune avaient fait glisser de son socle cette spirale de batailles qui montait jusqu’aux cieux, et couché sur un lit de fumier toute cette gloire dont pouvait s’enorgueillir la France vaincue, car elle lui appartenait autant qu’à César. Mais notre étonnement fut aussi profond que si nous eussions tout ignoré, en n’apercevant plus au milieu de la place Vendôme le gigantesque point d’exclama-