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des superpositions d’arcades qui rappelaient le Colisée de Rome. À travers les ouvertures, le ciel apparaissait par places et complétait la ressemblance. La flamme, la fumée, la combustion des produits chimiques destinés à produire l’incendie, avaient imprimé à ces décombres des tons gris, fauves, roussâtres, mordorés, rembrunis, des colorations étranges qui les vieillissaient et leur donnaient l’air de ruines antiques. Plus loin, un mur escarpé, semblable à la paroi d’un précipice à demi comblé par une avalanche, restait debout, montrant les baies de ses fenêtres et les arrachements de ses planchers. À l’une de ces fenêtres, chose étrange, pendait intact un store de soie bleue, qui n’avait pas été brûlé à ce foyer incandescent capable de calciner la pierre et de fondre les métaux. Ainsi, il arrive parfois de trouver au bord d’un cratère parmi les cendres et les scories une petite fleur d’azur miraculeusement préservée. Cependant les omnibus roulaient, effleurant presque les groupes de passants arrêtés et muets d’horreur devant ce lamentable spectacle. La vie invincible de Paris, que rien ne peut tuer, reprenait peu à peu son cours  : ni le siége, ni la Commune n’en ont pu venir à bout.