Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les jardins étaient bâtis autant que plantés, et les arbres devaient s’y rapprocher des formes architecturales. Les charmilles s’y repliaient à angles droits comme les feuilles d’un paravent de verdure ; les ifs s’y aiguisaient en pyramide, s’y arrondissaient en boule ; des tailles savantes accusaient des voûtes dans les massifs de feuillage et ce que nous entendons aujourd’hui par pittoresque était soigneusement évité. Ce goût, qu’on appelle assez improprement le goût français, venait d’Italie où les villas et les vignes des papes et des princes romains donnaient l’exemple de ce mélange de terrasses, de fabriques, de statues, de vases, d’arbres verts et d’eaux jaillissantes.

Nous-même, au temps du romantisme, nous avons plus ou moins paraphrasé l’ingénieuse opposition que faisait Victor Hugo, dans la préface de Cromwell, d’une forêt vierge d’Amérique aux jardins de Versailles, et nous avons plaisanté comme un autre « les petits ifs en rang d’oignon. » Nous avions tort ; ce jardin était bien le jardin de ce château, et il y avait une merveilleuse harmonie dans cet ensemble de formes régulières où la vie de l’époque pouvait développer à l’aise ses évolutions majestueuses et un peu