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grand scandale des utilitaires, et partageait avec nous cet amour du marbre. Dans ce sentiment commun, non loin des marches sur lesquelles s’étaient fixés ses yeux rêveurs, nos esprits, quoique habitant des sphères différentes, avaient pu se rencontrer et les mots résumant la poésie et le poëte avaient jailli comme un appel se répétant avec une opiniâtreté fatidique jusqu’à ce que nous ayons compris ce que demandait l’âme flottant autour de nous.

Pendant quelques jours, avide de nouvelles, arrachant les journaux aux vendeurs, ne songeant qu’à l’immense drame où se joue le sort de la France, nous essayâmes vainement de chasser ce refrain intérieur importun comme le bruit d’ailes d’une mouche obstinée. A la fin, nous sentîmes que l’esprit voulait un pieux pèlerinage et comme une libation de souvenirs sur ce marbre baigné de ses regards, pénétré de sa pensée, attiédi de son amour qui voyait dans cette neige, veinée d’azur et de rose, le sein virginal d’une Diane chasseresse. Il fallait qu’un grain d’encens fût brûlé sur cet autel à la pure beauté.

Nous commençâmes aussitôt notre excursion.