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d’Edgar Poë, mais elle va du faîte au rez-de-chaussée. La fente hideuse s’élargit à vue d’œil, et l’on sent que les deux morceaux de la muraille vont se séparer et s’affaisser d’un seul bloc. De toit, il n’en subsiste plus nulle part ; les obus les ont crevés, les flammes les ont dévorés. Ces ruines subites n’ont pas le caractère des ruines faites à la longue par le temps et l’abandon. Les années n’y ont pas mis encore leurs douces teintes brunes ; la nature n’a pas égayé de ses lierres et de ses fleurs sauvages les architectures disjointes ; tout y est sec, criard, violent. Le plâtre éraillé garde sa blancheur mate, les cassures fraîches des pierres ont une crudité de ton qui blesse l’œil comme une plaie vive. C’est la différence de la mort naturelle à l’assassinat. Ces cadavres de maisons égorgées ont un aspect navrant qu’il est impossible d’oublier ; elles crient vengeance par toutes les bouches de leurs plaies.

Par les larges écroulements des façades, l’intérieur des logis se découvre, comme ces décorations qui servent au théâtre pour jouer des pièces à action double. On voit dans quelques chambres que le feu n’a pas atteintes, des papiers de tenture fleurettes et à losanges des chemi-