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sur un enchevêtrement d’énormes pilotis qui obstruaient une arche et rejetaient le courant le long du quai sous l’arche du Diable, passage périlleux redouté des mariniers de Seine à l’égal du pont Saint-Esprit des mariniers du Rhône. Le souvenir en est conservé par une admirable eau-forte de Méryon, le Rembrandt du vieux Paris. Puis se présente le pont au Change, rebâti à la moderne, et l’on découvre le Palais de justice avec sa tour de l’horloge, ses tours aux toits en éteignoir, ses vieux murs percés de fenêtres à meneaux, où les constructions récentes, gauchement encastrées, font des taches désagréables. Il était si simple de suivre le style ancien pour les agrandissements nouveaux dont on avait besoin ! On eût gardé ainsi sa physionomie gothique à ce berceau de l’antique Lutèce qui fut longtemps tout Paris !

A peine a-t-on le temps de regarder, tant le bateau nage avec prestesse, les mascarons fantastiques sculptés par Germain Pilon, sous la corniche du pont Neuf. En se retournant on jouit d’un splendide coup-d’œil. Le pont Neuf, avec sa presqu’île où s’élève le chalet du Vert-Galant et le terre-plein sur lequel chevauche le roi de