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ne peut qu’admirer, mais la mort a ses préférés à qui elle donne pour couronne funéraire une couronne de laurier.

L’art a largement payé sa dette à la patrie dans cette guerre funeste. Ses plus chers enfants sont tombés à la fleur de l’âge, pleins d’audace, de génie et de feu, et l’avenir de la peinture en est peut-être compromis pour longtemps. Après l’école romantique, une nouvelle école se formait, passionnément préoccupée de la couleur, rêvant des alliances et des contrastes de tons auxquels on n’avait pas songé, voyant la nature sous un jour bizarre et particulier. Il semblait qu’un monde inconnu s’ouvrit devant les yeux étonnés. Sans imiter Regnault ou Fortuny, le peintre espagnol qui n’a pas voulu exposer, mais que les artistes connaissent bien, Victor Giraud cherchait aussi dans ce sens. Il avait, comme Gœthe, une théorie des couleurs dont l’expression la plus complète se trouve dans son tableau intitulé le Charmeur, l’un des plus remarquables du dernier Salon. On en sait le sujet. Un charmeur d’oiseaux égyptien faisait exécuter à ses petits élèves leurs tours d’adresse devant une réunion de patriciennes et de jeunes beaux