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gnant de tant de blessures, étonné de survivre.

Il n’y a pas que la balle et les obus qui tuent. La mort héroïque au milieu de la fumée du combat et de l’enivrement de la lutte n’est pas donnée à tous. Les nuits glaciales, passées les pieds dans la neige, à l’âpre vent du Nord, le long du rempart, aux grand’gardes, ont fait de plus nombreuses victimes que le feu de l’ennemi. Combien, blessés à mort par une de ces froides flèches, se sont éteints silencieusement dans leurs logis déserts, loin de leur famille et sans que la gloire vint consoler leur agonie, en posant l’étoile sacrée sur leur poitrine exhalant son dernier souffle ! S’ils n’ont pas eu ce bonheur de succomber en soldats sur le champ de bataille, ils n’en ont pas moins donné leur vie, obscurs martyrs du devoir. Quoique leur sang n’ait pas coulé, que leur décès soit mis sur le compte de la bronchite ou de la pneumonie, la patrie doit leur savoir le même gré du sacrifice. La bataille finie, on ne sait pas encore toutes ses pertes, et plus d’un qu’elle semblait avoir épargné, malade, épuisé, à bout de forces, s’est couché pour ne plus se relever. Victor Giraud est de ceux-là.

Victor Giraud est le fils d’Eugène Giraud. Tout