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vigueur plutôt souple et nerveuse qu’athlétique. Le climat de Paris n’avait pas encore détaché de son visage olivâtre le masque de hâle des pays chauds. Des yeux bruns animaient ce visage plus agréable et sympathique que classiquement régulier. Des cheveux noirs retombaient en boucles frisottantes sur un front bas, large et volontaire, un vrai front antique. Une légère barbe encadrait et complétait cette physionomie qui eût fait dire au moins attentif, sans connaître Regnault : « C’est quelqu’un. »

La conversation s’engagea. On parla de l’Espagne et du Maroc. Tout en causant, Regnault assis sur le bord du lit — divan occidental — de cette chambre où les chaises manquent souvent aux visiteurs, jouait avec notre petit bichon havanais qui avait tout de suite distingué un ami des animaux. Il nous décrivait Tanger, dans ce style des peintres dont chaque mot est un trait ou une touche toujours significative et juste. Un de ces tableaux créés par la parole de l’artiste nous est resté en mémoire comme une vive aquarelle enlevée en face de la nature. C’était une ligne de maisons basses à terrasses plates, semblables a des cubes de craie, ayant pour fond un ciel d’un