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minant, il faut l’avouer, n’avait rien de commun avec la sorcellerie, et son grommellement ne signifiait rien autre chose que : « Donnez-moi du pain ou du gâteau de Nanterre. » Mais ce n’est pas en temps de siége qu’on prodigue ces friandises. Qui eût possédé un gâteau de Nanterre, une brioche même rance, les eût dévorés avec délices. La pauvre bête semblait toute confuse de son insuccès et se demander avec inquiétude pour quelle raison on la privait de sa provende.

Les éléphants étaient également de fort mauvaise humeur. Le plus gros résistait à son cornac qui voulait le faire rentrer, et les deux autres offraient l’aspect le plus singulier. Ils avaient considérablement maigri, et leur squelette flottait dans une peau trop large. Cette peau, grisâtre et fendillée comme de la terre glaise sèche, formait des plis profonds aux entournures, ainsi que l’étoffe d’un habit mal fait. De longues rides sillonnaient leurs cuisses, et leurs oreilles aux membranes épaisses retombaient de chaque côté de leurs têtes monstrueuses au crâne chauve, semblables à des drapeaux effrangés et noircis. Ils agitaient leurs trompes comme de gigantesques sangsues et, simultanément, leurs queues