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à quelque piége infâme. En les regardant, nous pensions aux vers de Victor Hugo :

Les lions dans la fosse étaient sans nourriture :
Captifs, ils rugissaient vers la grande nature
Qui prend soin de la brute au fond des antres sourds ;
Les lions n’avaient pas mangé depuis trois jours.

Nous ne croyons pas que les lions du Jardin des Plantes eussent fait un aussi long jeûne que les lions de la fosse où fut jeté Daniel par ordre de Nabuchodonosor ; mais leur dîner n’avait pas dû être bien somptueux : des bas-morceaux de cheval mort de maladie et jugé impropre à la consommation le composaient probablement : maigre régal pour ces grands consommateurs qui dépensent en Algérie, d’après les statistiques, une valeur de 12,000 francs par an de bœufs, de moutons, de chèvres, sans compter les gazelles et les sangliers, et dont l’appétit princier n’aime que la proie vivante. Ces fétides débris, bons tout au plus pour les hyènes et les vautours, devaient les dégoûter singulièrement. L’un d’eux allait et venait vaguement d’un air ennuyé, battant ses flancs de sa queue ; l’autre était couché dans le coin de son antre, une patte de devant allongée, la seconde repliée à demi sous le poi-