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dre, et parfois vous poussant la paume de la main de leur nez humide.

C’est une obséquiosité caressante, mais non importune, une fidélité à suivre, montrant le bon chien qu’une fatalité a séparé de son maître, malgré son dévouement, et qui vous servira bien, si vous l’accueillez. Il en venait jusqu’à notre seuil et c’était, nous l’avouons, un vrai crève-coeur pour nous d’être obligé de leur fermer la porte sur le nez et de tromper ainsi leur espérance. Nous pensons là-dessus comme Crébillon le tragique, qui prenait les chiens errants sous son manteau, les portait au logis, les hébergeait, essayait de leur apprendre un métier, comme de tourner la broche, de danser, de sauter pour le roi ou la reine, de donner la patte, et autres industries canines, puis les reportait en soupirant à l’endroit où il les avait trouvés, s’ils étaient incapables, rebelles ou paresseux. Mais nous possédions déjà notre ménagerie intime, bien difficile à nourrir.

Bientôt les bêtes s’aperçurent que les hommes les regardaient d’une manière étrange, et que leur main, sous prétexte de les caresser, les palpait, comme des doigts de boucher, pour s’as-