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III. – DANS LA NUIT

Comme nous revenions avec notre ami qui lui aussi utilise les loisirs du rempart, et grave à l’eau-forte avec une originalité étrange les aspects bizarres que présentent les barbaries de la guerre à travers les raffinements de la civilisation, il nous fit voir quelques notes écrites parmi des croquis sur un carnet de poche : Le poste éveillé en sursaut. Branle-bas de combat. On court au bastion. Les Prussiens essayent une surprise aussitôt déjouée. Ciel bas et pluvieux illuminé de lueurs intermittentes par le tir des canons du fort d’Ivry et du fort de Bicêtre, dont on voit les feux, tandis qu’on n’aperçoit de l’autre batterie que des reflets rougeâtres. Sur ce fond obscur, comme sur un papier brûlé où courent des étincelles, pétille la fusillade multipliant ses points lumineux et traçant des lignes capricieuses. Une vapeur d’aurore boréale tremble l’horizon. C’est Cachan qui brûle, et, parfois le fort de Bicêtre, comme la langue fourchue d’un serpent, darde un long jet de lumière électrique. Ce jet,