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République, dont les lignes doivent être allongées et combinées pour un plafonnement considérable, ses amis lui criaient d’en bas : « Rajoute du front, soutiens la joue, avance le menton, remets de la neige au bonnet ! » Et l’artiste, perché sur son épaulement comme un ouvrier grec au sommet d’un fronton, écoutait les indications et les critiques, et le buste prenait une beauté majestueuse et terrible.

Quel admirable matière que ce Paros céleste qu’on nomme la neige ! quelle blancheur immaculée ! quelle finesse de grain, quel scintillement de micas et de paillettes d’argent ! avec quelle douceur les pâles figures modelées dans ce duvet soyeux se détachent sur le fond d’ouate du brouillard et des arbres lointains semblables, au bas du ciel gris, à de légères fumées rousses !

II. — L’ART PENDANT LE SIÉGE.

Lorsqu’une fois l’art s’est emparé d’une âme, il la hante toutes les heures, il la possède, en prenant le mot au sens liturgique, et nul exorcisme ne peut l’en chasser. L’âme, d’ailleurs,