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gros poings d’un barbare n’attacheront pas ces bras fins et nerveux derrière ce dos d’une ligne si élégante. Cette taille souple rompra plutôt que de ployer. La force immatérielle vaincra la force brutale, et, comme l’ange de Raphaël, mettra le pied sur la croupe monstrueuse de la bête.

Au bas de cette statue improvisée, M. Falguière a eut la modestie d’écrire en lettres noires sur une planchette : la Résistance. L’inscription était inutile. En voyant cette figure d’une énergie si obstinée, tout le monde la nommera, quand même elle n’aurait pas à côté d’elle son canon de neige.

Il est douloureux de penser que le premier souffle tiède fera fondre et disparaître ce chef-d’œuvre, mais l’artiste a promis d’en faire, à sa descente de garde, une esquisse de terre ou de cire pour en conserver l’expression et le mouvement.

Sur le point le plus élevé de l’épaulement domine le buste colossal de la République, de M. Moulin, dont le regard, par-dessus le bastion, semble plonger au loin dans la campagne. Mais ce n’est pas de là qu’il faut la voir : le bon endroit est sur le chemin de ronde, au pied du talus. Quand l’artiste travaillait la tête de sa