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souvent bien du chemin pour de moins beaux spectacles.

On part de l’embarcadère établi près du pont Napoléon, et, en plongeant les yeux à travers les arches, on aperçoit les travaux de barrage, qui défendent le cours du fleuve, et les hautes cheminées des usines, semblables à des obélisques égyptiens.

Le bateau prend sa course et les rives filent de chaque côté comme des bandelettes qu’on déroulerait, développant une grande variété d’aspects. Bercy apparait avec ses rangées de tonneaux sur le port, ses maisons frappées d’un vif soleil, ses magasins, ses enseignes en grandes lettres et, dans l’interstice des constructions, ses masses d’arbres surmontées de quelques hauts peupliers, qui, malgré l’automne avancé déjà, ont gardé leur verdure d’été. La saison est si clémente, d’ailleurs, que les gamins tous nus se baignent le long du rivage, ou, de l’eau jusqu’au ventre, pêchent des épinoches dans leur mouchoir. Des palefreniers mènent les chevaux à l’abreuvoir ; des femmes agenouillées sur une poignée de vieille paille lavent leur linge à la rivière, car les blanchisseuses de la banlieue n’arrivent plus à