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Madrid ; aucune de ses toiles importantes n’a franchi les monts, et leur plus long voyage fut de l’Escurial au Prado. Une invasion seule a pu ramener dans ses fourgons, chargés par la victoire, quelques-uns de ces tableaux mystérieux qui furent souvent la rançon d’une province.

Comme on sait, le Musée a déjà acheté, et à un prix fait pour décourager toute concurrence, cette Vierge aux anges de Murillo, qui brille avec tant d’éclat, parmi les merveilles de l’art, dans ce Salon carré que pourrait jalouser la Tribune de Florence. Une occasion se présentait de puiser encore des chefs-d’œuvre à cette même source. La direction ne l’a pas manquée, et sans mesurer les sacrifices, elle s’est assuré cinq tableaux de premier choix que le public sera bientôt admis à contempler : deux Murillo, deux Zurbaran et un Herrera le vieux, maître peu connu en France, mais qui mérite de l’être.

Les deux Murillo, la Nativité de la sainte Vierge et la Cuisine des anges, sont encore à l’atelier de restauration. Ne vous effrayez pas de ce mot, il n’a plus le même sens qu’autrefois ; il ne veut plus dire nettoyage au grès et à l’eau seconde, mastic, repeint, barbouillis général, le tout recouvert d’une épaisse croûte de vernis. On n’ajoute rien ; on ôte tout ce que l’ignorance a osé gâcher, sans nécessité le plus souvent, sur le travail du maître.