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Il n’y avait rien à dire de ce salon meublé de choses belles et chères, mais que peuvent se procurer tous ceux à qui leur bourse permet de ne pas redouter un long mémoire d’architecte et de tapissier. Sa richesse banale était parfaitement convenable, mais elle manquait de cachet. Aucune particularité n’y indiquait le choix, et, la maîtresse du logis absente, on eût pu croire qu’on était dans le salon d’un banquier, d’un avocat ou d’un Américain de passage. L’âme et la personnalité lui faisaient défaut. Aussi Guy, artiste de nature, trouvait-il ce luxe affreusement bourgeois et déplaisant au possible. C’était pourtant bien le fond duquel devait se détacher Mme d’Ymbercourt, elle dont la beauté ne se composait que de perfections vulgaires.

Au milieu de la pièce, sur un pouf circulaire surmonté d’un grand vase de Chine où s’épanouissait une rare plante exotique dont Mme d’Ymbercourt ne savait même pas le nom et que son jardinier avait placée là, s’étalaient, assises dans des gazes, des tulles, des dentelles, des satins, des velours, dont les flots bouillonnants leur remontaient jusqu’aux épaules, des femmes, la plupart jeunes et belles, dont les toilettes d’un caprice extravagant accusaient l’inépuisable et coûteuse fantaisie de Worth. Dans leurs chevelures brunes, blondes, rousses et même poudrées, d’une opulence à faire supposer aux moins mal-