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rient de leur autorité privée à Mme d’Ymbercourt ! Les bans ne sont pas publiés encore cependant. »

Mme d’Ymbercourt, en apercevant Guy qui s’avançait vers elle baissant la tête et faisant le gros dos, ce qui est le salut moderne, poussa un petit cri de satisfaction qu’elle essaya de corriger par un air de froideur boudeuse. Mais ses lèvres toujours souriantes, habituées à découvrir jusqu’à leurs gencives roses des dents d’une nacre irréprochable, ne purent se rapprocher pour former la jolie moue qu’on leur demandait, et la dame, voyant du coin de l’œil dans une glace que cette physionomie ne réussissait pas, prit le parti de se montrer bon enfant comme une femme indulgente qui sait qu’on ne doit pas exiger beaucoup aujourd’hui de la galanterie des hommes.

« Comme vous venez tard, monsieur Guy ! dit-elle en lui tendant une petite main si étroitement gantée qu’elle semblait de bois au toucher ; vous vous êtes sans doute attardé à votre vilain club à fumer vos cigares et à battre les cartes ; aussi, et c’est votre punition, vous n’avez pas entendu le grand pianiste allemand Kreisler jouer le galop chromatique de Listz, ni la délicieuse comtesse Salvarosa chanter la romance du Saule comme jamais ne l’a fait la Malibran. »

Guy, en quelques phrases convenables, exprima le regret, qu’il ressentait à vrai dire médiocrement, d’avoir manqué le galop du virtuose et l’air de la