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le vent engagé dans la cheminée ou dans le corridor, quelque bruit du dehors modifié par l’écho, la vibration sourde d’une des cordes du piano ébranlée au passage d’une voiture pesante, ou même une plainte de son angora rêvant auprès du feu, comme il l’avait imaginé d’abord. Rien n’était plus probable ; le bon sens le voulait. Cependant Malivert, tout en reconnaissant combien ces explications étaient logiques, ne pouvait intérieurement s’en contenter ; un instinct secret lui affirmait que ce soupir n’était dû à aucune des causes auxquelles sa prudence philosophique l’attribuait ; il sentait que ce faible gémissement partait d’une âme et n’était pas un bruit vague de la matière ; il s’y mêlait un souffle et une douleur : d’où venait-il alors ? Guy n’y pensait qu’avec cette espèce d’anxiété pleine de questions qu’éprouvent les plus fermes esprits, qui, sans le chercher, se rencontrent avec l’inconnu. Il n’y avait personne dans la chambre, — personne, excepté Jack, créature peu sentimentale ; — le soupir doucement modulé, harmonieux, attendri, plus léger qu’un susurrement de brise dans des feuilles de tremble, était féminin indubitablement ; on ne pouvait lui nier ce caractère.

Une autre circonstance intriguait Malivert : c’était cette lettre qui s’était écrite pour ainsi dire toute seule, comme si une volonté étrangère à la sienne eût guidé ses doigts. L’excuse d’une