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qu’il lut et dont le sens était à peu près celui-ci :

« Vous êtes assez belle et entourée d’assez d’adorateurs pour qu’on puisse vous dire sans vous offenser qu’on ne vous aime pas. C’est une mauvaise note pour le goût de celui qui fait un tel aveu… voilà tout. À quoi bon continuer des relations qui finiraient par engager deux âmes si peu faites l’une pour l’autre et les lier dans un malheur éternel ? Excusez-moi, je pars, vous n’aurez pas de peine à m’oublier ! »

« Ah ça ! dit Malivert en frappant la table du poing lorsqu’il eut relu sa lettre, est-ce que je suis fou ou somnambule ? L’étrange billet que voilà ! Cela ressemble à ces lithographies de Gavarni où l’on voit en même temps dans la légende la phrase écrite et la phrase pensée, le faux et le vrai. Seulement, ici le mot ne trompe pas. Ma main, que je voulais forcer à un joli petit mensonge social, ne s’y est pas prêtée, et contrairement à l’usage, l’idée sincère est dans la lettre. »

Guy regarda attentivement le billet et il lui sembla que le caractère de l’écriture n’était pas tout à fait le même qu’il employait d’habitude. « Voilà, dit-il, un autographe qui serait contesté par les experts si ma littérature épistolaire en valait la peine. Comment diable cette bizarre transformation a-t-elle pu se faire ? Je n’ai cependant ni fumé d’opium, ni mangé de haschich, et ce ne sont pas les deux ou trois verres de vin