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avant-propos

toires, et sur ce que l’on veut appeler son système musical ; il est donc inutile de le redire une fois de plus. J’ai renoncé d’ailleurs, depuis peu, à toute idée de prosélytisme ; après avoir longtemps combattu, j’abandonne la lutte, au moment où pour beaucoup la victoire semble probable. J’ai pour cela des raisons que je ne veux qu’indiquer et qui me semblent décisives.

Ce que j’ai pris si longtemps pour la résistance ordinaire et fatale, pour la haine instinctive que tout public en tout pays éprouve d’abord pour les novateurs de génie, est en France, je le crains bien, plus que cela. Notre esprit si vif, si léger, si mobile, si porté à la moquerie, nous prive de cette qualité indispensable à la compréhension des chefs-d’œuvre : la naïveté. Nous ne pouvons nous empêcher de trouver un peu ridicule la grandeur des sentiments, la sublimité, les passions nobles ou terribles ; ce qui nous plaît par dessus tout c’est l’art gracieux, spirituel, légèrement sentimental, l’observation fine et les flèches de la