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comme des ventres de poisson au soleil. C’est un fourmillement indistinct d’argent et d’or au milieu duquel l’œil ébloui démêle vaguement des visages mâles et basanés. Ces acteurs ne mettent pour fard que du sang. Le cortége est fermé par trois vigoureuses mules noires dont la tête disparaît sous des multitudes de houppes versicolores et qui secouent des grappes de grelots ; trois ou quatre muchachos pendus aux mors peuvent à peine les contenir : c’est l’attelage destiné à enlever de la place les taureaux et les chevaux tués.

Hâtons le pas, pour avoir le temps de vous décrire le cirque avant que la course commence.

La plaza de toros de Saint-Esprit n’a rien de monumental : c’est une construction en poutres et en planches qu’on a revêtue d’étoffes pour en dissimuler la nudité. Tels sont les cirques des petites villes d’Espagne.

L’arène proprement dite est circulaire ; une barrière en planches, haute de cinq pieds environ, l’entoure. Cette barrière s’appelle en espagnol las tablas ou el olivo. Un rebord saillant en charpente, à deux pieds et demi de terre, que sa couleur blanche fait distinguer aisément du fond rouge des planches, règne intérieure-