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tériaux manquaient pour les tunnels, on a rasé les cimes, écrasé les roches et on a jeté les montagnes dans les vallées. À de certains endroits, d’énormes remblais — l’un d’eux ne mesure pas moins de quarante-cinq mètres d’élévation — remplacent parfois les viaducs trop difficiles à exécuter en des lieux si sauvages. Des tunnels troués dans le granit traversent les crêtes d’un escarpement trop brusque et trop ardu ; on est à peine sorti de l’un qu’on entre dans l’autre. À Naval-Grande, le point culminant de la ligne, sous le portachuelo de Robledo, se fraye une voie le plus long souterrain du parcours. Il n’a pas moins de 918 mètres d’étendue, passe à 760 mètres au-dessus du niveau de la mer ; et de chaque côté de la route, pendant une partie de ce trajet, sur les pentes des montagnes, une immense forêt de pins, appartenant au duc de Medina-Sidonia, déploie sa verdure noire.

À partir d’Avila, le chemin de fer se tranquillise et parcourt sans tant d’efforts des sites plus praticables. Bientôt la nuit vint et jeta son voile sur le paysage. Nous passâmes près de Valladolid, notre vieille connaissance, qu’on nous dit être fort changée, sans entrevoir sa silhouette, où maintenant aux clochers se mêlent de hautes cheminées d’usine ; car elle est devenue manu-