Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seul ! quelle coûteuse folie ! On n’en serait pas quitte à moins d’un douro (5 francs). Nous avions donc arrêté le galion des Indes ! » Et il regardait d’un air dédaigneux mêlé de quelque soupçon notre accoutrement de voyage, passablement délabré et tout gris de poussière. Nous étions installé depuis un quart d’heure dans la voiture quand il grimpa sur le siége en faisant un indescriptible mouvement d’épaules qui pouvait se traduire : « Les étrangers sont tous fous ! Mais, puisqu’ils payent, au diable ! cela les regarde. » Un coup de fouet appliqué à l’échine des deux rosses mit le véhicule en mouvement et rompit le cercle de curieux qu’arrondissait autour de l’omnibus cet inexplicable départ à une heure insolite. Ils nous contemplaient avec ébahissement, tâchant de comprendre, et livraient leurs visages à nos observations, ne se doutant pas que le spectacle les regardait. Le type de la vieille Castille nous parut dominer parmi le groupe : c’étaient des masques assez courts, des fronts bas, des yeux noirs et profonds, une physionomie forte, triste et sérieuse.

Bientôt nous arrivâmes à la gare du ferro carril, où notre couvert était mis dans le buffet de la station, enchanté d’Avila et de notre rapide excursion ; cependant, nous emportions un desideratum : nul plaisir humain