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balustrades découpées comme des truelles à poisson, des chapiteaux ouvrés et ciselés en bijou attendent, adossés au mur, qu’une restauration complète leur rende la place qu’ils occupaient et d’où les dévastations de la guerre les ont fait tomber ; car on ne doit pas toujours accuser le temps de la mutilation des édifices. Les hommes en ont détruit plus que les années. Dans le réfectoire des moines, où l’on a installé un musée provincial, se voit au-dessus de la porte cette effroyable figure de cadavre en déliquescence de putréfaction qui, par sa poitrine ouverte, laisse échapper un serpent et de longs vers, lugubre image bien faite pour ôter l’appétit. Valdès Léal, le peintre de la pourriture, n’a rien, fait de plus horrible. Les tableaux rassemblés dans cette salle au nombre de deux ou trois cents sont en général assez médiocres ; ils proviennent de couvents supprimés. On y remarque un Christ, une Sainte Famille de Ribeira qui, sans valoir les chefs-d’œuvre du maître, ne sont pas indignes de sa brosse énergique et fière. Notons aussi un portrait de Torquemada, le grand inquisiteur, plus curieux comme document historique que comme peinture. Le reste, barbouillé de bitume, mélange d’ascétisme outré et de réalisme barbare, semble avoir fait partie de cette pacotille des Indes qui, partant de