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pont s’écroulent les arcades de briques de l’arttficio de Juanello, vieille machine hydraulique qui ne fonctionne plus, et s’élèvent les débris du château de Cervantès, qui n’a rien de commun avec l’auteur de Don Quichotte et dont on a fait une poudrière. Tout cela fauve, roussi, brûlé, d’une couleur à faire le désespoir et l’admiration des peintres.

On étonnerait fort des cochers anglais ou parisiens si on leur proposait de faire escalader à leurs voitures une pente aussi roide que celle qui mène de la puerta del Sol à la place Zocodover, aujourd’hui, hélas ! place de la Constitution ; mais les cochers espagnols ne s’alarment pas pour si peu. L’omnibus, dont les moyeux, dans certaines rues, rayaient presque les murs, nous descendit à la fonda del Lino, encombrée d’une foule inusitée de voyageurs faméliques. Les fournées de convives se succédaient sans relâche, et, tandis que les premiers arrivés se repaissaient, les autres tournaient autour des tables, attendant leur tour en maugréant. La fonda del Lino ne vaut pas, comme architecture, la fonda del Caballero, où nous nous arrêtâmes à notre premier voyage, et qui était un véritable palais, mais on y mange suffisamment.

Bien que nous connussions la ville de longue main,