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Mais laissons doña Sabine, Gastibelza et la Tolède des ballades pour revenir à la Tolède réelle, qui n’est pas moins intéressante.

Quand on regarde cette belle porte encore intacte, pur joyau de l’art arabe, on ne peut vraiment croire que des siècles se soient écoulés depuis l’expulsion des Mores, et l’on s’attend à voir les émirs, en burnous blanc, aux selles chamarrées d’or, gravir la pente escarpée, galopant sur leurs chevaux de la race Nedji. L’illusion est d’autant plus facile que rien n’a été dérangé dans l’antique physionomie de la ville. Elle a toujours sa ceinture de remparts crénelées, dont les fondations se confondent avec la roche qui les continue et dont quelques portions remontent au roi goth Wamba. De billes portes flanquées de tours bâties par les Goths, les Arabes et les Espagnols, complètent cet aspect moyen âge et féodal, et, de quelque côté qu’on arrive, font faire à Tolède une magnifique figure sur l’horizon. Près du pont Saint-Martin, au fond du ravin creusé par le Tage, on discerne une espèce de cave de rocher qu’on appelle le Bain de la Cava, et, non loin de là, une tour en ruine avec quelques restes d’arceaux où s’accoudait le jeune roi Rodrigue pour épier les charmes de Florinde folâtrant parmi ses compagnes. Près de l’autre