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VII


Quand on voyage et qu’on visite une de ces villes longtemps rêvées, dont l’esprit cherche par avance à se représenter la configuration, on est souvent affecté d’un sentiment pénible, non pas celui d’un désenchantement vulgaire, car il est des réalités qui dépassent le songe, mais on éprouve la crainte de ne jamais revoir ce qui excite votre enthousiasme. Le temps vole si vite pour la pauvre race des éphémères ; la vie, même la plus heureuse, est si mêlée de soins, de devoirs, d’obstacles, de dérivations involontaires ; elle s’échappe par tant de fissures sans que l’eau du vase se renouvelle, qu’on exécute bien rarement ses plus fermes résolutions. « Reverrons-nous jamais Tolède ? » disions-nous, il y a bien des années déjà, avec une profonde mélancolie, en quittant les murs de la cité romantique ; et plus d’une fois ce désir d’errer encore à travers son dédale de ruelles escarpées venait nous tourmenter, pendant que, penché sur notre pupitre, nous écrivions tristement le compte rendu de quelque insipide vaude-