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et son coup d’œil qui pénètre au delà du regard vulgaire. Dans cette image si exacte, il a dégagé l’essentiel, accentué le significatif, sacrifié l’inutile, et mis en lumière la physionomie intime. De tels portraits en disent plus que de longues histoires ; ils confessent et résument le personnage.

Aucuns mémoires sur la cour d’Espagne né valent ces portraits de Philippe IV où se lit la décadence de la race dans la pâleur maladive du teint, le regard atone, la lèvre tombante à l’autrichienne, gardant encore une rougeur sensuelle ; de ces reines et de ces infantes aux cheveux mêlés de paquets de perles, aux corsages busqués, aux roides vertugadins ramagés d’or ou d’argent, madones de l’étiquette scellées sur leur socle et emprisonnées dans leur niche, ayant pour prêtresses de ce culte bizarre des duègnes farouches, de ces nains et de ces naines qui semblent fiers de leur monstruosité et dont les bouffonneries et les contorsions amenaient un sourire pâle sur les lèvres moroses de l’ennui royal, qui ne fut nulle part si gris, si morne, si à charge à lui-même, si baillant à pleines mâchoires, que dans les palais de Madrid, de l’Escurial et de Saint-Ildefonse.

Quel superbe portrait que celui du comte-duc d’Oli-