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air d’ennui et d’abandon qui nous avait tant attristé autrefois. Les quelques arbres renfermés dans son enceinte étaient jaunis et comme incendiés par la chaleur. Il faisait, du reste, une température à durcir les œufs. L’air frais des hauteurs ne se faisait plus sentir, mais nous n’en souffrions pas trop. Les wagons espagnols sont larges et commodes, car l’écartement des rails est plus considérable sur les voies péninsulaires que sur les voies françaises. Les wagons d’aucun pays ne pourraient s’y adapter ; la dimension choisie est toute particulière, et les caisses sont assez grandes pour que dix voyageurs s’y tiennent commodément.

Nous allions assez vite ; étant un peu retardés par la traversée de la montagne qui exige beaucoup de prudence, à cause du court rayon des courbes, de la roideur et de la déclivité des pentes, on rattrapait le temps perdu sur une voie relativement plane. Autour de nous, les blocs s’étaient amoindris en pierres, les pierres étaient devenues des cailloux, mais c’était toujours le même aspect de morne stérilité. On ne voyait pas se déployer ces cultures que fait naître le voisinage des grandes villes, ni cet éparpillement de villas, de maisons de campagne, de villages élégants, qui annoncent l’approche d’une capitale. Le désert ne s’arrête