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l’entrée de la cuadrilla. Parmi les invités arrivés de France par le train d’inauguration, la plupart n’avaient jamais vu de courses de taureaux, et quelques-uns n’étaient pas sans inquiétude sur la fermeté de leurs nerfs, en présence des chutes, des éventrements, des cascades d’entrailles, des mares de sang, qui, pour les étrangers, forment le côté odieux de la course.

Il faut quelque habitude de la place pour devenir sensible au côté héroïque de la lutte, à la correction et à la maestria des estocades.

Rien de plus élégant, de plus fier et de plus noble que l’entrée de la cuadrilla, et ce spectacle charma les touristes novices. D’abord les chulos s’avancèrent, la cape sous le bras, dans leur leste costume de Figaro, en escarpins, bas de soie rose, culottes de tricot, gilet et veste de couleur vive, chamarrés d’autant de broderies, de passequilles, d’aiguillettes, de franges, de torsades, de boutons en filigrane d’or ou d’argent que l’étoffe en peut supporter, la taille assurée d’une large ceinture de soie à plusieurs tours, coiffés de la coquette montera penchée sur l’oreille ; puis vinrent les picadores à cheval, avec leurs épais pantalons de buffle, intérieurement bardés de fer jusqu’à mi-cuisse, leur courte veste si chargée d’orne-