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Pour réparer cette omission dans notre galerie, esquissons la belle tête de la signora***, Florentine pur sang, qu’on nous fit voir, au centre du rond-point, Entourée d’une cour d’adorateurs. Ses grands yeux tranquilles et presque fixes, ses traits fermes et purs, sa bouche nettement découpée, les lignes puissantes et correctes de son cou, rappelaient cette Lucrezia del Fede tant aimée d’André del Sarto, et ces beaux portraits du Bronzino, qu’on ne peut plus oublier dès qu’on les a vus une fois, et qui résument le type florentin sous son plus noble aspect. Pourquoi faut-il que ces grands artistes dorment sous la tombe !

Nous étions en train de graver cette pure image dans notre mémoire lorsque nous vîmes toutes les têtes se tourner du même côté. Ce mouvement insolite était produit par l’entrée du jeune comte***, qui débouchait de la grande allée, conduisant lui-même, avec une grâce et une précision incomparables, un phaéton traîné par deux merveilleux petits chevaux noirs, d’une élégance, d’une prestesse et d’une docilité extraordinaires ; ce charmant attelage décrivit sur le sable du rond-point un cercle qu’un compas n’eût pas fait plus exact, et le comte, jetant les guides à son groom, sauta légèrement à terre et alla rendre ses devoirs à la belle Florentine