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baigne les dernières marches ; ces embarcations de toutes grandeurs, yachts, felouques, chebecs et gondoles, qui filent silencieusement sur l’eau endormie des lagunes ; ces costumes grecs, turcs, arméniens, que le commerce du Levant y attire ; tout cela, en face de l’Adriatique, sous le ciel de Paul Véronèse, forme un spectacle extraordinaire et magnifique que l’on ne peut rendre avec des paroles et qu’on peut seulement imaginer. Canaletti et Bonnington, Daguerre et son diorama, tout admirables qu’ils sont, restent encore bien au-dessous de la réalité.

Qu’y a-t-il de plus beau au monde que l’aspect de la piazza di San-Marco, quand on vient du côté de la mer ?

À gauche, le palazzo Ducale avec sa façade de marbres rouges et blancs disposés en petits carreaux, sa ceinture de colonnettes, ses trèfles et ses ogives, ses gros piliers trapus dont le fût plonge dans le sol, sa frise crénelée, ses huit portes, son toit de cuivre, ses figures symboliques de Bartolomeo Bono, ses lions ailés, la griffe sur leur livre, son pont des Soupirs, son luxe lourd et sombre, qui le fait à la fois ressembler à une forteresse et à une prison.

À droite, la bibliothèque publique du dessin de Sansovino, avec son double cordon de colonnes et d’arca-