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êtes libre de tourner le dos à la chose et de vous asseoir parmi les jolies femmes qui écoutent, un livre ou quelque ouvrage d’aiguille à la main, les valses et les mazurkas jouées par un orchestre de cuivre logé dans un kiosque. Vous aurez, ainsi placé, un coup d’œil ravissant : à droite et à gauche, pour coulisses, les grands arbres des allées ; devant vous, la pelouse ; au second plan, la ville groupée sur sa colline comme si on l’avait bâtie à souhait pour le plaisir des yeux ; au troisième plan, une montagne, une véritable montagne dont les nuages baignent parfois la cime, que tapissent de sombres verdures bleuies par l’éloignement, et qu’achève de romantiser la silhouette ébréchée d’un vieux burg.

Voulez-vous écouter un bon conseil ? Sans vous laisser séduire par les petits frissons métalliques qui bruissent à vos oreilles à travers les fenêtres ouvertes du Kursaal, demandez une calèche, et dites au complaisant cocher badois de vous mener à Ebersteinbourg, ou, tout uniment au vieux château ; il comprendra, ne sût-il pas un mot de français. « Mais je n’ai pas déjeuné, » me répondrez-vous. — Tant mieux, vous trouverez là-haut des œufs frais, des biftecks, des côtelettes, des pommes de terre en chemise, et même un