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trimballa tout doucement, en s’arrêtant à chaque pas, à travers un admirable paysage bordé par les collines boisées qu’on appelle la forêt Noire ; les stations sont fort jolies et affectent des formes de chalets tyroliens tout festonnés de clématites, de houblon et de vigne vierge. Les employés, pleins de bonhomie, ne vous rudoient pas et vous sourient amicalement. L’on monte et l’on descend tout à son aise. Le chemin de fer allemand n’est pas pressé, et c’est ce qui nous en plaît. Aux principaux débarcadères, un gaillard majestueux, à large barbe, costumé en suisse de paroisse, porteur d’une grande canne à pommeau d’argent, s’empresse de vous donner les explications nécessaires en français tudesque. — Chez nous, le public est toujours traité un peu en criminel ou en ennemi. Les théâtres et les chemins de fer ont l’air d’en vouloir aux spectateurs et aux voyageurs… qui les dérangent. Ils leur pardonnent à peine de les enrichir.

On avance, on recule, on change de voie et de wagon, et l’on débarque à Francfort, entre la porte Saint-Gallus et la porte du Taunus. Il n’y a peut-être pas tant de cariatides à Francfort que le prétend Victor Hugo dans une de ses merveilleuses lettres du Rhin. Ce n’est pas le poëte qui a tort, c’est la ville ; car toutes ces