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d’Espagne. Une dizaine de barques de pêcheurs tirées sur le sable attendent l’heure de la marée pour aller prendre des sardines.

Ne croyez pas, d’après cette rédaction mélancolique, que nous ayons envie d’ajouter un chapitre aux Ruines de Volney ; nous ne sommes pas déclamateur de notre nature, et la tristesse que tant de solitude et d’abandon avait pu nous inspirer fut bientôt dissipée.

Attirés par le passage assez rare d’une bande de voyageurs dans cette ville éloignée de la route que suivent les diligences, quelques visages de femme d’une beauté radieuse se montraient aux miradores des maisons les moins détruites, avec toute la grâce et toute la coquetterie espagnoles. C’étaient des têtes pâles aux lèvres rouges, aux dents étincelantes, aux yeux de velours noir, d’un calme brûlant, d’une passion endormie comme en ont peint Murillo, Velasquez et Goya. — Deux ou trois paires d’yeux comme celles-là suffisent à ressusciter une ville défunte, et à faire de Fontarabie le plus agréable séjour du monde. — Quelques instants, nous eûmes l’idée d’abandonner le feuilleton à tout jamais, et de finir nos jours dans une maison sans plancher en face de l’un de ces balcons.

… Nous saluâmes de la main Andaye, assise sur