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A la rose de mai que le rossignol aime,
J’ai dit au dahlia, j’ai dit au chrysanthème,
        A bien d’autres encor.

Ne croissez pas ici ! cherchez une autre terre,
Frais amours du printemps ; pour ce jardin austère
        Votre éclat est trop vif :
Le houx vous blesserait de ses pointes aiguës,
Et vous boiriez dans l’air le poison des ciguës,
        L’odeur âcre de l’if.

Ne m’abandonne pas, ô ma mère, ô nature,
Tu dois une jeunesse à toute créature,
        A toute âme un amour ;
Je suis jeune et je sens le froid de la vieillesse,
Je ne puis rien aimer. Je veux une jeunesse,
        N’eût-elle qu’un seul jour.

Ne me sois pas marâtre, ô nature chérie,
Redonne un peu de sève à la plante flétrie
        Qui ne veut pas mourir ;
Les torrents de mes yeux ont noyé sous leur pluie
Son bouton tout rongé que nul soleil n’essuie,
        Et qui ne peut s’ouvrir.

Air vierge, air de cristal, eau principe du monde,
Terre qui nourris tout, et toi flamme féconde,
        Rayon de l’œil de Dieu,
Ne laissez pas mourir, vous qui donnez la vie,
La pauvre fleur qui penche et qui n’a d’autre envie
        Que de fleurir un peu !

Etoiles, qui d’en haut voyez valser les mondes,
Faites pleuvoir sur moi, de vos paupières blondes,
        Vos pleurs de diamant ;