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Je promenais partout ma peine vagabonde,
J’avais rêvé l’empire, et la boule du monde
        Dans ma main sonnait creux.

Ah ! le sort des bergers, et le hêtre où Tytire
Dans la chaleur du jour à l’écart se retire
        Et chante Amaryllis,
Le grelot qui résonne et le troupeau qui bêle,
Le lait pur ruisselant d’une blanche mamelle
        Entre des doigts de lys !

Le parfum du foin vert et l’odeur de l’étable,
Le pain bis des pasteurs, quelques noix sur la table,
        Une écuelle de bois ;
Une flûte à sept trous jointe avec de la cire,
Et six chèvres, voilà tout ce que je désire,
        Moi, le vainqueur des rois.

Une peau de mouton couvrira mes épaules,
Galathée en riant s’enfuira sous les saules
        Et je l’y poursuivrai :
Mes vers seront plus doux que la douce ambroisie,
Et Daphnis deviendra pâle de jalousie
        Aux airs que je jouerai.

Ah ! je veux m’en aller de mon île de Corse,
Par le bois dont la chèvre en passant mord l’écorce,
        Par le ravin profond,
Le long du sentier creux où chante la cigale,
Suivre nonchalamment en sa marche inégale
        Mon troupeau vagabond.

Le Sphinx est sans pitié pour quiconque se trompe,
Imprudent, tu veux donc qu’il t’égorge et te pompe
        Le pur sang de ton cœur ;