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LA TRÉPASSÉE.

Est-ce une illusion ? Cette nuit tant rêvée,
La nuit du mariage elle est donc arrivée ?
        C’est le lit nuptial.
Voici l’heure où l’époux, jeune et parfumé, cueille
La beauté de l’épouse, et sur son front effeuille
        L’oranger virginal.


LE VER.

Cette nuit sera longue, ô blanche trépassée,
Avec moi, pour toujours, la mort t’a fiancée ;
  Ton lit c’est le tombeau.
Voici l’heure où le chien contre la lune aboie,
Où le pâle vampire erre et cherche sa proie,
  Où descend le corbeau.


LA TRÉPASSÉE.

Mon bien-aimé, viens donc ! l’heure est déjà passée
Oh ! tiens-moi sur ton cœur, entre tes bras pressée.
        J’ai bien peur, j’ai bien froid.
Réchauffe à tes baisers ma bouche qui se glace.
Oh ! viens, je tâcherai de te faire une place
        Car le lit est étroit !


LE VER.

Cinq pieds de long sur deux de large. La mesure
Est prise exactement ; cette couche est trop dure,
        L’époux ne viendra pas.
Il n’entend pas tes cris. Il rit dans quelque fête.
Allons, sur ton chevet repose en paix ta tête
        Et recroise tes bras.