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Cela commençait à devenir étrange. On supposa quelque voyage subit pour affaire d’importance. Les domestiques, interrogés par don Geronimo, répondirent que leur jeune maître était sorti l’avant-veille, à six heures du soir, après avoir dîné comme à l’ordinaire, sans avoir fait aucun préparatif, ni rien dit qui pût faire soupçonner un départ. Il était habillé d’une redingote noire, d’un gilet jaune de piqué anglais, et d’un pantalon blanc, comme pour aller au Prado.

Don Geronimo, fort perplexe, dit qu’il fallait visiter la chambre d’Andrès pour voir s’il n’avait pas laissé sur quelque meuble une lettre explicative de sa disparition.

Il n’y avait chez Andrès d’autre papier que du papier à cigarettes.

Comment justifier cette absence incompréhensible ?

Par un suicide ?

Andrès n’avait ni chagrins d’amour, ni chagrins d’argent, puisqu’il devait épouser bientôt celle qu’il aimait, et jouissait de cent mille réaux de rente parfaitement assurés. D’ailleurs, comment se noyer au mois de juin dans le Manzanares, à moins d’y creuser un puits ?

Par un guet-apens ?

Andrès n’avait pas d’ennemis ou du moins on ne lui en connaissait pas. Sa douceur et sa modération