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dans le goût de ceux de la place de la Concorde, qui ont remplacé les jolies potences de fer à volutes élégamment enroulées qui naguère encore supportaient les lanternes.

Sur cette chaussée se pavanent les voitures de Londres et de Bruxelles, les tilburys, les calèches, les landaus aux portières armoriées, et quelquefois aussi le vieux carrosse espagnol traîné par quatre mules rebondies et luisantes.

Les élégants se penchent sur leurs trotteurs anglais ou font piaffer leurs jolis chevaux andalous à la crinière nattée de rouge, au col arrondi en gorge de pigeon, aux mouvements onduleux comme les hanches d’une danseuse arabe. De temps en temps passe au galop un magnifique barbe de Cordoue noir comme l’ébène et digne de manger de l’orge mondé dans une auge d’albâtre aux écuries des califes, ou quelque prodige de beauté, une vierge de Murillo détachée de son cadre et trônant dans sa voiture avec un chapeau de Beaudrand pour auréole.

Dans le Salon proprement dit fourmille une foule incessamment renouvelée, une rivière vivante avec des courants en sens contraires, des remous et des tourbillons, qui se meut entre des quais de gens assis.

Les mantilles de dentelles blanches ou noires encadrent de leurs plis légers les plus célestes visages