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rival il lui avait procuré un moyen d’entrer chez Militona, d’être déposé sur ce lit, qu’il ne regardait qu’avec des frissons et des pâleurs, lui, l’homme au cœur d’acier et au bras de fer, de passer la nuit dans cette chambre où il était à peine admis le jour et devant laquelle il errait à travers l’ombre, irrité et grondant, il se serait roulé par terre de rage, et déchiré la poitrine avec ses ongles.

Andrès, qui cherchait à se rapprocher de Militona, n’avait pas pensé à ce moyen dans tous ses stratagèmes.

La jeune fille se réveilla, renoua ses cheveux toute honteuse, et demanda au malade comment il se trouvait :

« Bien », répondit celui-ci en attachant sur la belle enfant un regard plein d’amour et de reconnaissance.

Les domestiques d’Andrès, voyant qu’il n’était pas rentré, crurent qu’il avait fait quelque souper joyeux ou qu’il était allé à la campagne, et ne s’inquiétèrent pas autrement.

Feliciana attendit vainement la visite accoutumée. Andrès ne parut pas. Le piano en souffrit. Feliciana, contrariée de cette absence, frappait les touches avec des mouvements saccadés et nerveux ; car en Espagne, ne pas aller voir sa novia à l’heure dite est une faute grave qui vous fait appeler ingrat et perfide. Ce n’est pas que Feliciana fût éprise