Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/90

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ah ! voilà le malade qui revient à lui, fit la vieille ; regarde, ses yeux s’entr’ouvrent, un peu de couleur reparaît aux joues.

— N’essayez pas de parler, le chirurgien l’a défendu », dit la jeune fille en voyant qu’Andrès essayait de balbutier quelques mots ; et, avec ce petit air d’autorité que prennent les gardes-malades, elle posa sa main sur les lèvres pâles du jeune homme.

Quand l’aurore, saluée par le chant de la caille et du grillon, fit pénétrer sa lueur rose dans la chambrette, elle éclaira un tableau qui eût fait rugir Juancho de colère : Militona, qui avait veillé jusqu’au matin au chevet du lit du blessé, brisée par la fatigue et les émotions de la nuit, s’était endormie, et sa tête flottante de sommeil avait cherché, à son insu, un point d’appui au coin de l’oreiller sur lequel reposait Andrès. Ses beaux cheveux s’étaient dénoués et se répandaient en noires ondes sur la blancheur des draps, et Andrès, qui ne dormait pas, en enroulait une boucle autour de ses doigts.

Il est vrai que la blessure du jeune homme et la présence de la tia Aldonza, qui ronflait à l’autre bout de la chambre à faire envie à la pédale de l’orgue de Notre-Dame de Séville, empêchaient toute mauvaise interprétation.

Si Juancho avait pu se douter qu’au lieu de tuer son